Virginie est agente de secrétariat dans un poste de police de la Sûreté du Québec, avec cinq collègues agentes comme elle. Dans trois semaines, elle déménagera dans une autre région du Québec pour occuper le même poste, mais toute seule cette fois.
Nous lui avons posé quelques question à propos de sa carrière et de comment c’est, travailler en secrétariat dans un poste de police.
Vous déménagez, mais vous restez encore agente en poste de police?
J’ai une affectation dans un autre poste! Moi, je fais partie du ministère de la Sécurité publique. Avant, j’étais au ministère des Transports, mais j’ai réussi à avoir une mutation via Emploi Carrière, le site où il y a tous les emplois des ministères du gouvernement du Québec.
Là, j’ai obtenu une affectation pour rester à la Sûreté du Québec, vu que je vais déménager. Une affectation, c’est pour rester dans le même ministère. Une mutation, c’est pour changer vers un autre.
Comment êtes-vous arrivée au poste d’agente de secrétariat à la Sûreté du Québec?
Au départ, je suis entrée dans la fonction publique en faisant les tests pour être sur la liste des agents en secrétariat en 2013. J’ai eu un poste occasionnel en 2017 au ministère des Transports à Baie Comeau.
On revenait dans la région de l’Estrie pour se rapprocher de la famille, alors j’ai vérifié les postes d’agent en secrétariat soit en mutation ou en affectation.
J’ai trouvé un poste pour la Sûreté du Québec au ministère de la Sécurité publique. Je me suis fait muter à ce moment-là. On couvre 21 municipalités : c’est un très très gros territoire! On est six secrétaires au poste. Là où je m’en vais, je suis toute seule, mais c’est tout petit.
C’est comment, travailler dans un poste de police?
Je côtoie la réalité policière tous les jours. C’est un autre monde! J’écris ce que les policiers font sur la route, les constats d'infraction, des rapports d'accident, et je réponds aussi à la clientèle.
Pas comme au 911?
Non, mais on peut appeler directement à la Sûreté du Québec si ce n’est pas une urgence. Admettons qu’un citoyen a une question ou qu’il veut parler à un policier, c’est moi qui le lui transfère.
Nous, on n’a pas le droit de répondre au citoyen quelque chose qui est de l’ordre du policier.
Il faut que la confidentialité soit vraiment énorme, on s'entend!
Vous n’avez pas le droit de parler des opérations policières, j’imagine!
Il n’y a rien qui sort d’ici! Ce qu’on voit, ce qu’on lit, tout reste ici. On ne peut même pas en parler à notre conjoint ou à nos parents. Si quelqu’un entendait une information de ma part, il pourrait appeler la Sûreté et moi je pourrais me faire renvoyer en un claquement doigt!
Au jour le jour, c’est comment au poste?
On côtoie à chaque jour des gens qui ne sont pas du « bon côté de la médaille ».
Nous, on n’a pas à côtoyer les gens face à face. C’est vraiment des rentrées de données qu’on fait, de la job de bureau. Les policiers nous demandent parfois des renseignements sur l’un de leurs dossiers. Si un dossier est incomplet, je dois demander telle ou telle chose. Des fois j’ai des interrogations, pour m'assurer de la fiabilité, que tout est correct. Je dois alors aller leur parler.
On entend beaucoup les ondes; il faut être prêt à être alerte, tout dépendant de ce qui se passe, un événement majeur par exemple.
Qu’est-ce qui se passe pour vous, dans ces cas-là?
Le centre de gestion des appels répertorient les appels et les envoient au bon endroit parmi les postes de police. Les policiers se font appeler sur leurs radios. Nous, on reste alertes : est-ce qu’il va y avoir un détenu qui s’en vient, des papiers à préparer pour la cour, un agent de sécurité qui vient travailler?
Il faut être alerte, mais ça nous concerne plus ou moins; ça concerne les policiers sur la route. On sait ce qui se passe, mais on ne peut pas répéter.
Si on sait qu’il y a un accident, une voie de fait, mais on ne peut pas en parler. Je ne peux pas arriver chez moi le soir pis en parler, même si je connais la personne. La confidentialité est la règle numéro un; c’est ce qui est le plus important. C’est ma job, ma carrière et ma vie qui sont en jeu.
Il y a des enquêtes avant d’occuper un poste au ministère de la Sécurité publique?
Pour passer du Transport pour rentrer au ministère de la Sécurité publique, il y a une enquête sur toi, les personnes proches de toi... Il faut vraiment que tu n’aies aucune tache, et même ton conjoint immédiat! Je ne dis pas un ticket pas payé, mais il faut vraiment que tu n'aies aucune tache.
Qu’est-ce que tu trouves le plus difficile dans ton emploi?
Je dirais que c’est lorsque c’est des enfants qui sont en cause, qui sont victimes. Tu te dis : c’est des personnes sans malice! On s’entend, ce n’est pas moi qui est dans la salle d’entrevue, ce n’est pas moi qui voit les vidéos. Moi, j’appelle l’enquêteur pour dire que telle personne est arrivée. Je vois juste le va et vient.
Mais je sais que la DPJ arrive avec un enfant, et on sait qu’il s’est passé quelque chose. On a vraiment à patauger dans beaucoup d’informations. Tu te dis : le monde, où qu’il s’en va? On dirait qu'il y en a plus qu'on pense qui sont du mauvais côté!
Des fois les détenus ici, ça crie, ça bang dans les murs! Nous autres, on entend ça parce que les cellules sont proches. C’est un monde complètement différent.
Vous ne regrettez pas d’avoir quitté le ministère des Transports?
Moi, j’aime le milieu policier. Je suis très curieuse et j'aime pouvoir apprendre. J’aurais voulu être dans le métier, mais ça n’est pas arrivé. J’aime voir comment les policiers agissent dans la vie, comment ils interviennent. C’est quand même intéressant!
Il ne faut pas tout prendre personnel non plus. Il ne faut pas que les situations qu’on vit viennent nous affecter. On n’a pas de contrôle là-dessus. On le côtoie, mais on n’a pas à gérer ça. On fait notre travail et c’est tout!
*Le nom de l'agente de secrétariat a été modifié à sa demande.